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Des entreprises plus engagées et plus humaines : comment se mettre en action?

Entreprises humaines

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Face aux désordres du monde et l’essoufflement de notre modèle économique de croissance infinie, les entreprises sont invitées à repenser leur rôle et leur utilité au sein de la société.

Malgré de superbes exemples tels que Patagonia, Ben and Jerry aux États-Unis, Nature et Découvertes en France, Prana au Québec… nombre d’entre elles tardent à se mettre en mouvement.

On parle de plus en plus d’économie «positive», d’entreprises «humanistes», «progressistes»… Et de nombreux modèles émergent. Une chose est sûre, l’ancrage de la responsabilité des entreprises et de leurs dirigeants dans une dimension sociétale s’affiche désormais comme incontournable. Les entreprises devront désormais apprendre à allier prospérité économique et humanisme. Un exercice essentiel qui s’étend bien au-delà du cadre de la RSE traditionnelle en venant bousculer les postulats, les bases de la raison même de leur existence. Il ne s’agit pas simplement d’élaborer un nouveau plan d’affaires, mais bel et bien d’opérer une réinvention profonde, de requestionner certains gestes et certains objectifs purement économiques. Un tel exercice peut s’inscrire dans une démarche structurée autour de 3 axes fondamentaux.

1/ Définir sa raison d'être : un rôle économique et sociétal

Aux États-Unis, 181 dirigeants des plus grandes entreprises américaines ont signé un texte («Statement on the Purpose of a Corporation») cet été, pour construire « une économie au service de tous les Américains ». En France, quantité d’initiatives voient le jour suite à l’adoption de la loi Pacte en avril 2019. Carrefour, par exemple, s’affiche comme « leader de la transition alimentaire » pendant que Veolia s’engage à «ressourcer le monde». Et ce n’est qu’un début!

La raison d’être est un énoncé clair et précis qui engage les organisations à agir dans l’intérêt du bien commun. Au-delà du classique énoncé de mission orienté vers le client, la raison d’être incarne le sens profond qu’une entreprise souhaite donner à son activité et définit la contribution qu’elle entend apporter à la société. Elle doit venir en réponse à des besoins universels tels que l’alimentation, l’environnement, la mobilité ou la santé ; l’exercice de définition de la raison d’être amène les dirigeants à se poser cette question fondamentale : à quoi sert notre entreprise?

Cette étape constitue l’élément fondateur de la démarche progressiste. La réponse s’inscrira dans la durée ; elle dictera les priorités, en guidant l’entreprise à travers le temps qui passe, quels que soient les bouleversements qu’elle traversera.

 

2/ Intégrer les parties prenantes : entrer dans un modèle participatif créateur de valeur partagée

Pour façonner cette raison d’être et assurer une vision commune qui éclaire l’entreprise dans toutes ses actions, le premier pas à effectuer est d’entreprendre le réalignement qui s’impose avec l’ensemble des parties prenantes : les clients, les employés, les actionnaires, mais aussi les fournisseurs et la communauté.

Cela implique d’introduire de nouveaux modes de collaboration. Puis d’imaginer de nouveaux processus organisationnels qui favorisent la coopération et l’intelligence collective. L’enjeu ultime sera de se doter d’une gouvernance qui assure la création de valeur pour ces cinq parties prenantes, en s’affranchissant du régime actuel trop encore répandu qui privilégie uniquement les actionnaires.

Pour basculer dans ce nouveau modèle, il est toutefois essentiel que cette nouvelle gouvernance se fonde sur un socle de valeurs profondément humanistes telles que l’ouverture à l’autre, le respect, l’honnêteté et l’équité. Il faut aussi que celles-ci soient diffusées dans toute l’organisation et deviennent des critères de prise de décision. Sans ces valeurs, les efforts exigés par la raison d’être seront vains.

 

3/ Penser « performance globale »

Étant donné que les entreprises progressistes agissent au double niveau, économique et sociétal, le profit ne sera plus leur seul critère de réussite. De nouveaux indicateurs doivent s’ajouter afin de mesurer plus justement la mission poursuivie : création d’emplois, protection de l’environnement, bien-être des employés…pour ne citer que quelques exemples. Tous ces indicateurs forment un tout, inscrits dans un seul et même tableau pour évaluer ce que l’on désigne comme la «performance globale» de l’entreprise.

À l’image de Décathlon, cette compagnie française spécialisée dans l’équipement sportif, qui a décidé, il y a quelques années, d’installer l’une de ses filiales dans une zone défavorisée en se donnant pour objectif de réduire le taux de délinquance dans la région. Un critère qu’elle a inscrit dans son bilan de performance au même titre que ses objectifs économiques et financiers.

Ainsi, pour transformer leur entreprise en organisation progressiste, les décideurs doivent d’abord redéfinir le rôle économique, social et environnemental de leur organisation; ouvrir des voies vers de nouveaux modes de fonctionnement participatif qui créent de la valeur pour l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise ; s’affranchir de la logique du profit maximal et à court terme en cherchant à construire une stratégie «positive» qui aura un impact social/sociétal autant qu’un impact économique.

Évidemment, cela exige de l’audace, une détermination sans faille et de vraies valeurs humanistes : générosité, solidarité et, pourquoi pas, altruisme. Le chemin à parcourir sera peut-être long, mais il fera sens ! Car il y a urgence. Les inquiétudes et les vrais problèmes de notre temps ne laissent plus d’autre choix aux entreprises que celui d’accompagner la communauté dans laquelle elles rayonnent, d’aider les habitants de ces territoires à affronter les défis qui les attendent; qui nous attendent.

Article écrit par Caroline Menard de la Revue Gestion, avec la complicité d'André Coupet, fondateur et ex-directeur de SECOR/Europe, auteur du Rapport « Vers une entreprise progressiste ».