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Cultiver l’humain pendant que l’économie dort

 

Antoine Najjar Mentor et entrepreneur

Originaire du Liban, Antoine Najjar est fils d’entrepreneur et est lui-même entrepreneur. C’est son père qui lui a transmis la passion pour les affaires, et pour l’humain, derrière l’entreprise. Cette notion lui aura été salutaire à plusieurs reprises, pour traverser les temps difficiles causés par la guerre. Portrait d’un mentor inspirant.

«J’ai l’impression de revivre, un peu, ce que j’ai vécu il y a trente ans, ça m’a frappé», confiait le mentor qui a accompagné une bonne dizaine d’entrepreneurs au Réseau M.

Au début de sa vingtaine, Antoine Najjar s’associe pour démarrer une entreprise de distribution de gros, dans le domaine du textile pour la maison, à Beyrouth. À l’époque, les contacts se font en personne et c’est grâce à plusieurs voyages qu’il se bâtit un solide réseau de fournisseurs internationaux.

L’instabilité politique qui règne au Moyen-Orient lui cause bien des casse-têtes au niveau de son approvisionnement. Antoine Najjar doit redoubler de créativité pour contourner les zones de guerre et les attaques sur les routes. Néanmoins, le jeune homme n’entend pas baisser les bras.

Les affaires vont donc bon train au moment du déclenchement de la guerre du Liban, en 1975. «Comme d’ailleurs la majorité des Libanais on a tout perdu, nos maisons, nos commerces, nos entrepôts», relate M. Najjar. Il se souvient avoir réussi à vider un de ses entrepôts sous le crépitement des mitraillettes, pour envoyer la marchandise en lieux sûrs, en Europe.

Garder le lien

Devant une situation qui pourrait s’avérer catastrophique pour un entrepreneur, Antoine Najjar se tourne vers les conseils de son père, qu’il considère comme son mentor.

«Mon père m’avait dit, l’argent, les ventes, l’entreprise, les clients, etc. c’est une chose, mais c’est l’humain qui est important. La marchandise, c’est secondaire.».

Antoine a donc pris le téléphone pour contacter ses clients et leur poser une question toute simple, mais qui a fait toute la différence : « Comment ça va? ».

Après avoir fait le tour de ses clients, il a contacté ses fournisseurs, cette fois-ci, pour les assurer que lui et sa famille se portaient bien et qu’ils avaient espoir que la situation s’améliore.

C’est ce même réflexe qu’il a eu peu après que le Gouvernement du Québec ait instauré des mesures préventives de santé publique en lien avec la pandémie de coronavirus. L’annonce a créé une onde de choc dans la communauté entrepreneuriale. Il a contacté ses mentorés, pour prendre de leurs nouvelles, se montrer disponible et surtout, leur offrir un contact humain.

C’est précisément grâce à ce contact humain et la relation de confiance qu’il a établis avec ses partenaires et ses clients, qu’Antoine a pu rebondir plusieurs fois dans carrière d’entrepreneur. À chaque nouvelle initiative mise en place, ses fournisseurs étaient derrière lui, souvent prêts à le refinancer.

En 1986, en quête d’une vie plus paisible, il émigre au Canada et établit un nouveau commerce sur la rue Saint-Laurent, à Montréal. Encore une fois, ses fournisseurs le suivent et lui permettent même de chambouler l’industrie du textile avec des produits inexistants sur le marché nord-américain à l’époque.

Ce sont encore eux qui lui ont permis de tirer son épingle du jeu et de se réinventer pour survivre à la crise du textile en 2008/2010. Peu après cet épisode, l’entrepreneur vend son entreprise, mais reste actif pour appuyer son repreneur, avant de quitter véritablement, en 2012 pour se consacrer au mentorat.

Aujourd’hui, devant la crise actuelle, Antoine Najjar envoie le même message. «Pour l’instant, l’économie est en veilleuse. Il faut garder le contact, faire tomber les barrières, partager ses inquiétudes, cultiver l’humain avec les clients et les fournisseurs et prendre des nouvelles de leur famille. Le rebond peut être extraordinaire.»

 

Un texte signé Lysane Sénécal Mastropaolo.