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Transfert d'entreprise: pourquoi et comment préparer sa relève

Pour un entrepreneur, vendre son entreprise est sans doute le scénario le plus déchirant : c’est un peu comme s’il léguait son héritage et une grande partie de lui-même à des étrangers plutôt qu’à ses propres enfants.

La solution, c’est de décider soi-même qui prendra la relève... et de préparer cette relève. Le dirigeant quitte alors son entreprise confiant, en sachant qu’il y aura une continuité. Opération périlleuse? Oui, sauf quand on la planifie soigneusement et de longue date.

L’exemple que nous prendrons est un cas réel très singulier : celui d’un entrepreneur qui a commencé à réfléchir à son « après lui » à compter du jour même où il fondait son entreprise. Parce qu’il la fondait dans le but précis de la quitter rapidement? Pas du tout, car il a dirigé son entreprise pendant onze ans avant de la léguer à la relève qu’il avait lui-même identifiée et formée.

Sa volonté de planifier sa relève de longue date, c’est à son expérience antérieure qu’il faut l’attribuer. À deux reprises, il avait vécu la vente de l’entreprise au sein de laquelle il était employé. Deux fois de trop, car cela s’était plutôt mal passé. De là, sa stratégie était claire : réaliser un rêve en créant une entreprise, ce serait aussi planifier dès le départ sa propre sortie pour s’assurer que, le jour venu, ce « bébé » volerait de ses propres ailes.

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Au lieu de la vendre à un acheteur qui en ferait ce qu’il veut, ou pire encore de la céder à des intérêts étrangers, il ferait en sorte qu’elle survive à son départ et qu’elle soit munie de toutes les clés de la croissance et de la pérennité. Pour que tout se fasse en douceur, pour qu’aucun client ne panique et qu’aucun employé ne s’inquiète, pour que la relève soit résolument prête au moment de son départ, la transition s’est faite sur plusieurs années. A posteriori, il est possible d’en tirer des leçons franchement utiles…

Première étape : savoir ce que l’on veut

Pour préparer la relève concrètement, le point de départ incombe au dirigeant et à lui seul :

  1. Il doit se faire une idée très claire de ce qu’il envisage pour le futur. S’il ne souhaite pas vendre son entreprise au moment de son retrait, il doit trancher entre passer le pouvoir à l’interne ou à ses enfants. Dans le cas présent, il souhaitait passer le flambeau à l’interne.
  2. Il doit identifier le plus rapidement possible qui sera cette relève en fonction du bassin de talents et de la cible d’évolution de l’entreprise. Il importe de valider l’intérêt de la personne ciblée, car elle doit elle aussi s’y préparer. Dans le cas qui nous concerne, la personne qui incarnerait cette relève fut confirmée dans son rôle au sein du comité de direction presque cinq ans avant le départ du dirigeant.
  3. Enfin, chose difficile, mais parfaitement faisable : il doit déterminer, ne serait-ce qu’approximativement, le moment de son départ. Notre entrepreneur a procédé de la façon qui lui a paru la plus rationnelle et la plus commode : le critère ne serait pas le temps (telle ou telle année), mais la valeur de l’entreprise. Le jour où elle atteindrait x dollars, ses actions vaudraient dollars et ce serait approximativement ce qu’il souhaitait. Fixer cette valeur permet entre autres d’éviter le piège de ne jamais quitter l’entreprise, sous prétexte que sa valeur ne cesse d’augmenter. Or l’argent n’est pas tout.

Deuxième étape : passer de la théorie à la pratique

De là, le dirigeant ou le fondateur et la relève ont tous deux un rôle majeur à jouer dans la préparation de cette transition.

  1. Le dirigeant doit céder des responsabilités tous les jours à la relève. Il doit lui faire de la place, l’exposer volontairement à toutes les facettes de la direction de l’entreprise, lui donner de la visibilité, tant auprès des clients que des employés. C’est une chose qui demande beaucoup d’humilité, car plus la relève « prend de la place », plus l’impression d’indispensabilité du dirigeant prend un coup dans l’aile. Il faut aussi que le dirigeant soit très ouvert d’esprit : accepter que les choses puissent se faire différemment et donnent tout de même d’excellents résultats. Voire de meilleurs encore.
  2. Le dirigeant doit se rendre réellement disponible, consacrer du temps à la relève, répondre à ses questions et à ses interrogations, discuter de ses inquiétudes. Il faut aussi qu’il accepte que cette relève fasse parfois des erreurs. Ces erreurs doivent être des occasions d’apprentissage, des moments de mentorat.
  3. La relève doit prendre sa place, accepter de faire des erreurs et y voir elle aussi l’occasion d’apprendre. La relève doit aussi avoir son propre plan de transition et se laisser toute la flexibilité requise pour y travailler. Elle n’a pas été choisie que pour remplacer le dirigeant le jour de son départ, mais pour recevoir les enseignements de son mentor. Conséquemment, elle doit graduellement prendre toute la place, agir comme si le dirigeant n’était déjà plus là. On comprendra ici à quel point la communication entre les deux personnes doit être sincère et ouverte. La confiance est la clé de la réussite.
  4. Il faut aussi parfois être accompagné afin de prendre du recul, s’interroger sur les façons de faire et les structures en place, se donner des points de comparaison financiers ou organisationnels, s’inspirer d’autres histoires ou encore faire avancer la négociation. La mise en place d’un comité consultatif peut s’avérer une avenue utile ou encore il serait possible de s’allier des conseillers de confiance qui sauront offrir un point de vue neutre.
  5. Enfin, la relève doit… sauter. Même si jamais elle se sentira totalement prête, elle doit convenir que du seul fait d’être bien entourée, tant par son mentor, ses conseillers que par ses collègues, ce n’est pas un saut dans le vide.

Nous terminerons en levant le voile sur l’entreprise dont il s’agit : c’est Brio Conseils. Les auteurs de cet article sont Sylvie Charbonneau, cofondatrice de l’entreprise, ainsi que « sa relève » Caroline Ménard. Inutile de vous dire que la transition s’est effectuée de la manière précise dont elle avait été planifiée et que la nouvelle présidente de Brio réfléchit déjà à sa propre relève non pas parce que c’est imminent, mais parce que c’est la façon de faire pour que tout le monde s’en trouve gagnant : elle-même, les employés de l’entreprise, les clients de l’entreprise, sans oublier… l’entreprise elle-même.

Cet article, écrit par Caroline Ménard et Sylvie Charbonneau, est une gracieuseté de la Revue Gestion.