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Pure persévérance

L’échec est souvent un rite de passage pour l’entrepreneur. 

Steve Jobs a été congédié de l’entreprise qu’il avait fondée. Walt Disney a perdu son emploi au journal pour lequel il travaillait parce qu’il n’avait pas assez d’imagination. Thomas Edison a tenté plus de 10 000 fois de fabriquer une ampoule électrique avant de réussir et James Dyson aurait réalisé 5 126 prototypes avant de mettre son aspirateur sans sac sur le marché.

L’échec se quantifie facilement et les données recueillies par Statistique Canada montrent la cruauté qui règne sur le champ de bataille quand il s’agit de lancer une entreprise. En 2013, 78 430 entreprises avec au moins un employé ont été créées au Canada. L’immense majorité d’entre elles, soit 64 780, comptait moins de cinq employés.

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J'écosystème, tu écosystèmes, il écosystème...

Ces très petites entreprises sont extrêmement fragiles. Une étude longitudinale réalisée par Statistique Canada à propos d’entreprises créées en 2002 indique que le taux de survie après sept ans n’est que de 27 % pour les plus petites entreprises. Ce taux est nettement plus élevé, à hauteur de 67 %, pour les entreprises qui comptent l’équivalent de 50 à 100 employés à leur création, mais en 2013, seulement 550 nouvelles entreprises de cette taille sont apparues au Canada.

Résumons : une petite entreprise sur quatre réussira à passer le cap des sept ans, tandis que le contexte est très prometteur pour un groupe d’entreprises qui ne représentent que sept dixièmes de 1 % des entreprises naissantes !

Pourtant, je ne connais aucun entrepreneur qui regrette sa décision. Dans la préface du livre1. de Nicolas Duvernois, fondateur de PUR Vodka, l’homme d’affaires Philippe de Gaspé Beaubien III souligne l’attrait irrésistible de l’entrepreneuriat ainsi que ses difficultés : « Le monde de l’entrepreneuriat est un monde fascinant et gratifiant, où chacun peut être son propre patron, repousser ses limites et façonner sa réalité, mais c’est aussi, disons-le franchement, un monde plein de pièges et d’écueils. »

L’histoire de Nicolas Duvernois est celle du combattant qui n’abandonne pas après l’échec et qui repart mieux équipé et moins naïf. Après une aventure désastreuse en restauration, il doit accepter un poste de soir à temps plein à l’hôpital Sainte-Justine. C’est en lavant les planchers qu’il a conçu et organisé son nouveau projet entrepreneurial. En passant les commandes d’alcool pour son restaurant, il avait été étonné de constater la popularité de la vodka. Il était aussi intrigué par le fait que personne n’en produisait au Québec. Il était persuadé que la pureté de l’eau chez nous permettrait de distiller un produit parmi les meilleurs au monde. Cela s’est avéré puisque la World Vodka Masters, à Londres, lui a décerné le titre de meilleure vodka au monde en 2009, en 2011 et en 2014. En tout, elle a été primée à 41 reprises.

Rien n’est jamais facile ni acquis en affaires. Tout juste avant de recevoir ce premier prix en 2009, la vodka québécoise de Nicolas Duvernois venait d’essuyer un refus de distribution. Nicolas s’est donc retrouvé avec 10 800 bouteilles de vodka et sans un seul acheteur. Tout semblait perdu, encore une fois. Six ans plus tard, l’entreprise a probablement atteint le score de 250 000 bouteilles vendues uniquement sur le territoire canadien, et son président est devenu une véritable icône aux yeux des jeunes entrepreneurs québécois.

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Des histoires comme la sienne, j’en ai entendu plusieurs. Il y a quelques années, l’entrepreneur et investisseur Nicolas Bélanger m’avait raconté la sienne, et j’y pense chaque fois que j’entends une critique sur la richesse des entrepreneurs.

Pendant qu’il présidait DTI Software, Nicolas Bélanger a dû emprunter 56 $ à un ami pour payer du lait maternisé et des couches jetables à la pharmacie. Il n’avait pas un sou en poche, sa carte de crédit avait rendu l’âme et ses comptes de banque étaient vides, ainsi que ceux de l’entreprise. Quelques années plus tard, la firme DTI Software était devenue le leader mondial dans le domaine du divertissement à bord des avions commerciaux et a éventuellement été vendue à un groupe allemand.

Désormais, Nicolas Bélanger gère la société Groupe W, un fonds d’investissement de croissance et d’acquisition privé de 20 millions de dollars qu’il a fondé avec un associé d’affaires. Avant d’investir dans une entreprise, il se demande toujours si l’entrepreneur aura le courage de passer à travers l’enfer qu’il a lui-même connu.

Pour réussir en affaires, il faut certes beaucoup de travail, d’intelligence et d’intuition. Mais on oublie trop souvent que les entrepreneurs risquent gros et que leurs plus grandes qualités sont surtout le courage et la ténacité.

Notes
1. Nicolas Duvernois, Entrepreneur à l’état PUR, Les Éditions Transcontinental, 2015, 216 pages.

 

Cet article de Pierre Duhamel est une gracieuseté de la Revue Gestion.