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Mentorat ou coaching? André Girard propose les deux... avec des nuances!

Une collaboration de Stéphane Desjardins.

On répète depuis des années que le mentorat pour entrepreneurs, ce n’est pas du coaching. Soit. André Girard, mentor et professeur, considère que les deux approches ne sont pas antinomiques.

« Les gens sont entiers, pas fragmentés. Les entrepreneurs ont besoin de soutien et on doit leur donner tous les outils dont ils ont besoin pour avancer, tant sous la forme de coaching que de mentorat. La clé, c’est de ne jamais se substituer à l’entrepreneur. La pire erreur, c’est d’offrir des recettes. L’entrepreneur doit faire son propre questionnement », souligne, d’entrée de jeu, André Girard, un mentor qui a œuvré au sein de firmes comme ABB, Noranda, Reynolds, Alcan, NGM, Domtar et Sanimax. Il enseigne également depuis 35 ans au cégep et à l’université, notamment à l’UQAM, l’UQAC et à Sherbrooke. « Depuis les années 1970, j’ai fait du management une sorte de hobby », dit en souriant le diplômé en psychologie et en génie, également détenteur d’un MBA.

Évidemment, M. Girard fait une distinction claire et nette entre le coaching et le mentorat pour entrepreneurs. Un mentor offre une aide désintéressée. Un coach a un statut de fournisseur de services. La nuance est importante. Mais l’approche a des similitudes. En mentorat, on travaille sur le savoir-être de l’entrepreneur. En coaching, on s’intéresse à son savoir-faire. Les deux approches peuvent même être complémentaires!

 

Se centrer sur les besoins

En fait, selon M. Girard, il faut s’attarder aux besoins de l’entrepreneur avant d’offrir une approche. Et celui-ci arrime sa relation mentorale sur un modèle simple, imaginé par la sommité mondiale en management Henry Mintzberg, dans son livre Gérer (tout simplement) (Éditions Transcontinental, 2010, 373 pages). Il s’agit du modèle des 3S.

Pour illustrer cette approche, prenez une feuille de papier et dessinez un triangle parfait. Au sommet, c’est le « savoir-être ». En bas, dans le coin gauche, c’est le « savoir », dans le coin droit, le « savoir-faire ». Ensuite, séparez le triangle en trois parties horizontales égales. La tranche du haut, c’est le niveau « stratégique », celle du milieu, le niveau « tactique », celle du bas, le niveau « opérationnel ». M. Girard explore tous ces aspects de la personnalité de son mentoré avant de travailler là où il constate une carence.

Jusque dans les années 1960, entreprises et institutions d’enseignement ont beaucoup misé sur le stratégique. Mais avec la montée des technologies, on s’est concentré sur l’opérationnel. « Aujourd’hui, les patrons se concentrent sur la stratégie et les travailleurs sont relégués aux opérations, ajoute-t-il. Résultat : il y a très peu de dialogue entre les deux groupes. On a pensé que les électrons allaient dominer le monde. En conséquence, les deux tiers des gens sont désengagés de l’entreprise qui les emploie. Ce qui manque le plus dans le monde du travail, de nos jours, ce sont des patrons qui consacrent une journée par semaine à des activités pour le personnel, au lieu d’une heure ou deux par jour. J’aborde systématiquement cette réalité dans mes dyades. »

 

Compétences inégales

« Les humains étant ce qu’ils sont, ils ne développent pas tous également les caractéristiques énumérées dans la pyramide imaginée par Mintzberg, explique M. Girard. Une personne excellera dans les opérations, une autre sera un impressionnant stratège, etc. Beaucoup d’entrepreneurs se sont lancés en affaires autour d’une technologie qu’ils ont développée, ou des connaissances qu’ils détiennent en exclusivité. Mais la réalité de diriger une entreprise, c’est que vous devez maîtriser tous les aspects! C’est loin d’être facile. » On l’aura compris, le mentor doit donc cerner forces et faiblesses du mentoré et adapter son approche en conséquence.

« Dès la première rencontre, la dyade doit s’entendre sur ce qu’ils veulent accomplir, dit-il. Certes, le mentor doit tenter de comprendre l’entreprise de son mentoré, mais il doit surtout s’attarder sur ses compétences distinctives individuelles. C’est à ce niveau (savoir-être) qu’il devra travailler. »

D’autant plus qu’André Girard ajoute le facteur temps à la démarche mentorale. Car la courbe d’apprentissage ne doit pas s’éterniser chez le mentoré : il doit être sensibilisé à la question, réfléchir, passer à l’action, acquérir une certaine maturité. « Selon mon expérience, ça prend environ six mois pour changer des comportements, développer des aptitudes, dit-il. Il faut passer certaines phases habituelles : négation, prise de conscience, action… »

Ce n’est pas une tâche insurmontable pour le mentoré. M. Girard avance que plusieurs études scientifiques confirment que le cerveau humain possède d’étonnantes capacités d’adaptation dans ce domaine. Notamment dans celui des relations humaines. Une donnée fondamentale. « Le réseautage, c’est incontournable, tant sur le plan humain que technique, reprend-il. Le mentoré doit être sensible à l’importance de se créer et d’entretenir son réseau de relations, tant professionnelles que personnelles, sociales et familiales. C’est la meilleure manière de préserver sa santé mentale, car être entrepreneur, ça signifie souvent vivre beaucoup de solitude. »

Évidemment, en bon mentor, André Girard ne donne jamais de recette à ses mentorés. « Tu peux l’éclairer sur certains aspects, poser des questions, mais c’est au mentoré de faire son cheminement. Sinon, tu deviens un coach, donc une ressource additionnelle pour son entreprise. Ce n’est plus une relation mentorale. »