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Leadership partagé, leadership moderne

Out le leader au sommet de la pyramide, in la communauté où chacun peut prendre les rênes. Moins enclins à se faire dicter un chemin, les jeunes sont attirés par le leadership partagé.

Les entreprises devront s’adapter, avance Laurent Choain, directeur des ressources humaines et des communications (Chief People & Communication Officer) du Groupe Mazars, une firme française d’audit et de conseil. Gestion a discuté avec lui. Le leadership partagé, c’est quoi exactement?

Il y a une grande tendance, actuellement, à croire qu’il ne faut plus de gestionnaires dans une entreprise. C’est le concept d’entreprise libérée. Le leadership partagé, c’est l’inverse. C’est d’avoir, chacun dans son équipe de travail, des fonctions de leadership. Tout le monde est un leader. Chez Mazars, par exemple, nous avons huit personnes à la direction des ressources humaines. Huit personnes pour gérer 22 000 personnes dans 77 pays. N’imaginez pas qu’il y a un chef et sept Indiens. Les huit personnes sont polyvalentes et substituables, elles doivent s’aider.

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Dans quelle tendance s’inscrit ce mode de gestion?

Pendant bien des années, la tendance en leadership était le sauveur solitaire. Ce modèle-là, aujourd’hui, a totalement explosé. Hollywood illustre bien cette tendance. Il y a quelques années, les héros du cinéma étaient Bruce Willis et Sylvester Stallone, des gens qui sauvaient le monde seuls. Aujourd’hui, on a le Seigneur des anneaux. Et là, qui est le héros? C’est Frodon, Sam, Aragorn? Le modèle d’aujourd’hui, c’est de trouver un destin commun, de travailler en communauté.

 

Et pourquoi ce changement?

Si vous demandez à quelqu’un de la génération Y quels sont ses modèles, il vous dira qu’il n’en a pas, qu’il veut inventer ses codes, ses façons de fonctionner. Pas besoin, pour s’inspirer, d’un de Gaulle, d’un Mandela ou de je ne sais qui. Et cette génération est en émergence rapide. Elle a changé complètement la manière dont on pouvait gérer les personnes, s’occuper d’elles et les motiver. Chez nous, par exemple, les gens ont en moyenne 28 ans. Parmi eux, 92 % ont un diplôme de maîtrise. S’ils ne trouvent pas leur bonheur chez Mazars, ils vont tout de suite aller ailleurs. Ici, ça fait dix ans qu’on a une majorité de Y parmi notre personnel. Et là, qu’est-ce qui se passe? Eh bien! Ils arrivent au pouvoir. On a des associés qui ont 32 ou 33 ans.

 

Qu’est-ce que cela signifie, pour une entreprise?

Le problème n’est donc plus de se demander comment on va gérer la génération Y, mais bien de se demander comment elle va nous gérer. Tout le monde dit qu’il faut faire en sorte que ça se passe bien entre les générations, qu’il faut favoriser le transfert de savoir et de sagesse. Mais ce n’est pas ce que veulent les jeunes. Ils veulent inventer leur mode de fonctionnement, leurs façons de faire.

 

À ce moment-là, comment réagir?

On peut choisir un mode culturel qui va chercher les jeunes, qui leur donne leur chance, qui essaie de leur laisser une marge de fonctionnement. De toute façon, il est impossible de ne pas le faire. Et c’est cette contrainte, chez Mazars, qui nous a poussés vers le leadership partagé, en plus de la volonté de passer à un mode de leadership plus moderne.

 

Croyez-vous que le leadership partagé puisse fonctionner aussi dans une petite entreprise?

Chez nous, nous avons un groupe de direction composé de huit personnes, tous chefs de la direction, et ils sont tous sur un pied d’égalité. Mais en réalité, le leadership partagé fonctionne mieux dans une petite entreprise parce que vous tenez naturellement plusieurs rôles. Dans une grande entreprise, les rôles et les structures sont plus formalisés.

 

N’y a-t-il pas des risques, toutefois, à avoir plusieurs mains sur le volant?

Mais c’est ça, ce n’est pas un volant! Une entreprise, c’est plutôt comme un pétrolier. Le gouvernail seul ne fait rien. Il faut toute une équipe, des gens, des machinistes.

 

Des conseils aux entreprises qui réfléchissent au leadership partagé?

On ne décrète pas du jour au lendemain que l’on change de mode de leadership. C’est une construction et, pour construire une équipe qui fonctionne ainsi, nous avons mis deux ans. Il faut éviter de faire de ce changement une grande stratégie d’entreprise, de forcer les gens. Pour donner envie, il faut faire un petit laboratoire, montrer que ça marche. À un moment, à force de passer dans des bureaux ouverts, où c’est sympa, de voir des gens souriants, on comprend que l’on peut tous travailler ensemble.

 

Cet article est une gracieuseté de la revue Gestion.