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Croître ou ne pas croître

Avant de répondre par l'affirmative, un bon bilan s'impose!

Telle est l'une des questions les plus importantes que tout entrepreneur sera, un jour ou l'autre, amené à prendre pour son entreprise. Dans le contexte d'une économie capitaliste, la question de la croissance semble pourtant être triviale. « Ne pas croître, c'est mourir un peu », serions-nous portés à penser. Et pourtant, certains pourront très bien se contenter d'un rendement stable et de parts de marché tout aussi stables, compte tenu de leur personnalité entrepreneuriale, du degré de frilosité à l'égard du risque ou de l'état actuel ou anticipé des ressources et des compétences de leur organisation. L'important n'est pas la décision comme telle, mais d'assumer pleinement cette dernière!

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Croître, résolument!

Mais si la croissance demeure votre objectif premier, vous serez sans doute amené à jeter un oeil attentif à l'environnement général, au domaine d'affaires dans lequel vous évoluez et à vos concurrents directs. Rien de plus normal. Toutefois, comme l'affirme Chris Zook dans son article publié dans le site Internet de la Harvard Business Review (lire « The Greatest Barriers to Growth, According to Executives »), vous seriez tout aussi bien avisé d'également plonger votre regard à l'intérieur même de votre entreprise, là ou résident les plus importants obstacles à la croissance espérée de cette dernière!

Le paradoxe de la croissance

À l'origine de ce surprenant conseil d'ami, un phénomène somme toute bien naturel, auquel Chris Zook a donné le vocable de « paradoxe de la croissance ». On le résumera ainsi : plus une entreprise croît, plus elle génère de la complexité à l'interne qui, en retour, peut potentiellement venir gêner, voire même remettre en question, la croissance. La complexité ainsi induite pourra engendrer une série de dysfonctionnements (l'auteur utilise le mot anglais « distorsions»), et ce à cinq chapitres bien précis. C'est donc à ces cinq éléments que l'entrepreneur doit s'attaquer, s'il a toujours l'ambition de poursuivre sa route sur la voie de la croissance. Ce dernier portera donc une attention particulière aux dysfonctionnements relatifs à :

  • La vitesse de réaction. L'avantage que procure la petite taille de l'organisation et de son cénacle de décideurs est indéniable, face à des entreprises établies depuis des lustres. Que faire pour redonner à votre organisation toute la souplesse d'antan? « Moins de réunions, mais plus productives! », suggère Chris Zook. Une réunion hebdomadaire, préférablement le lundi matin, puis un suivi fait le mardi à propos des décisions prises la veille peut faire regagner à l'organisation la vitesse de réaction perdue;
  • La motivation. La méritocratie demeure, affirme l'auteur de l'article cité plus haut, une puissante dynamo en période de croissance. Mais cette méritocratie tend à laisser le pas à des processus plus formels de promotion, au fur et à mesure que l'entreprise gagne en taille. Remettez à l'honneur la méritocratie en identifiant des objectifs clairs et simples, en les communiquant adéquatement et en faisant part à l'ensemble de l'organisation des résultats atteints, ou non;
  • Le temps. On doit à Albert Einstein et à sa théorie de la relativité générale la connaissance du fait que toute masse ralentit le cours du temps. Plus la masse est imposante, plus le temps s'écoule lentement. Et curieusement, ce fait scientifiquement prouvé peut parfois aussi s'appliquer au monde des organisations! De fait, les choses semblent aller si lentement dans de grosses organisations! Que peut-on faire pour remédier à la situation? La gestion des réunions (nombre de personnes attendues, durée, etc.) est toujours un bon point de départ! Mais Chris Zook suggère également de s'interroger sur le temps consacré aux meilleurs clients, aux meilleurs employés et aux défis les plus urgents, et de revoir celui-ci à la hausse;
  • Les décisions. La multiplicité des intervenants, qui va de pair avec la croissance de l'organisation, peut faire en sorte de perdre de vue le chemin le plus direct entre A et B dans le processus décisionnel. Faites la cartographie d'un tel processus et voyez à supprimer (au figuré!) les intervenants inutiles ou redondants qui interviennent dans la prise de décision;
  • L'information. En contexte de PME, le dirigeant connaît souvent ses clients par leur nom, une chose impossible à répéter lorsque l'organisation grandit. La déconnexion entre le niveau stratégique, celui de la haute direction, et le niveau opérationnel est bien souvent une triste réalité. « Osez descendre sur le plancher! », martèle Chris Zook à l'endroit des dirigeants. Ce contact avec la réalité des employés et celle du marché ne fera qu'accroître la quantité et la qualité de l'information, essentielles en contexte de croissance.

Comme dans toute importante décision à prendre, qu'elle soit de nature personnelle ou économique, une plongée au coeur de sa personnalité, de ses motivations, de ses ressources, de ses compétences, tout comme de ses manières de faire (ou de ses processus, dans le cas d'une organisation), n'est pas un luxe. Et la croissance de l'entreprise obéit aux mêmes principes. Êtes-vous prêt à faire cette nécessaire introspection de votre organisation?

 

Cet article écrit par François Normandin est une gracieuseté de la Revue Gestion.